Bonjour Rav,
Ai-je le droit de coller des post-it durant chabbat dans un livre (de torah) afin de me rappeler de certains passages ?
Merci
Bonjour,
Introduction
Il y a 39 mélakhot (travaux) interdits le chabbat, et de chacun découlent de nombreux dérivés.
Parmi ces 39 travaux La Torah interdit de coudre et déchirer (Tofer vékoré’a), travail qui consiste à lier des tissus entre eux. En effet, coudre faisait parti d’un des différents travaux réalisés au Michkan : la couture des tentures.
Coller (madbiq) constitue un dérivé de la mélakha de coudre. Il est donc interdit de coller des papiers ou des morceaux de tissu l’un à l’autre. (choulhan aroukh à 340,14)
Est-il permis de faire une couture pour une courte durée ? une couture provisoire (Tfira chééna chel kayama) ?
Ouvrons une petite parenthèse sur une autre mélakha, celle de « kocher oumatir » (nouer et dénouer) au sujet de laquelle il existe une notion de temps, à savoir, que si le nœud réalisé n’est que provisoire et n’est pas fait dans l’intention de durer dans le temps, (1 jour ou 7 jours selon les avis, et selon certains que ce n’est pas un nœud de « professionnel » voir Rama 317,1. Voir aussi le Lévouch qui écrit que même si le nœud est fait pour tenir plus d’une semaine jusqu’au moment où le propriétaire ou l’acheteur vient récupérer l’objet, c’est permis.) il sera permis de faire un tel nœud pendant le chabbat.
Concernant notre mélakha, à savoir « coudre et déchirer », les avis sont partagés quant à l’application de cette notion de temps :
- On retrouve une discussion parmi les Richonim :
Selon Rabbeinou Yoel, leRaavia, et le Rachbam on appliquera le concept de « Tofer lézman » à savoir de permettre de réaliser une couture qui ne durera qu’un certain temps.
Selon le Mordékhi et Rabbeinou Perets, on ne compare pas à la mélakha de kocher oumatir, et même une couture provisoire sera interdite.
- Choulhan Aroukh et Rama
Le Choulhan aroukh (siman 340 saif 7) semble trancher comme le Mordekhi et Rabbeinou Perets : une couture provisoire est interdite.
Cependant, le Beit Yossef, (l’auteur du Choulhan Aroukh, siman 317,3) rapporte le cas de deux chaussures attachées l’une à l’autre par un fil de couture, et tranche qu’on ne permettra pas de déchirer le fil en présence d’un ‘am aarets (un inculte). On peut donc comprendre, que si ce n’est la présence d’une personne inculte, cette action est permise, étant donné que la couture n’est que provisoire.
Ce Din est rapporté, en deuxième avis, par le Rama (siman 317 Saif 3).
- Il y a une discussion parmi les décisionnaires quant à l’avis du choulhan aroukh et du rama :
Le Téhila lédavid écrit que pour le Rama on fera une distinction : faire une couture provisoire sera interdit, par contre déchirer une couture qui était provisoire sera autorisé et Ainsi pense Rav Eliachiv. (rapporté dans Orhot chabbat)
Pour Rav Chlomo Zalman Auerbach, le Rama permet dans les deux cas (Chmirat chabbat kéhilkhétah tome 3 chap. 15 note 124)
Le Hazon Ich (OH siman 156) écrit que selon le Rama, une couture, même provisoire, est interdite.
Le Or Létsion (tome 2, Chap. 29 Saif 6) comprend que pour le Beit Yossef on peut se montrer indulgent. Et ainsi écrit Rav Ovadia Yossef (yé’havé daat tome 6 siman 24)
Le Or Letsion rajoute que bien que le Beit Yossef ne permette pas de le faire en présence d’un ‘am haarets, cela concerne seulement le cas d’une véritable couture, par contre, concernant la mélakha de madbiq à savoir coller deux éléments ensemble provisoirement, il est autorisé de le faire même en présence d’un inculte (on ne craint pas qu’à cause de cela il va en venir à coudre pendant chabbat).
Notons que le michna broura (340,14) rapporte au nom du Maguen Avraham que si le collage est provisoire et n’est pas fait pour du long terme, il n y a pas d’interdit de kri’a.
En conclusion, certains décisionnaires estiment qu’une couture provisoire est interdite au même titre qu’une couture réalisée pour du long terme. D’autres permettent une couture faite pour une courte durée.
Un autre élément pouvant nous permettre de répondre à la question :
Il existe un cas, où lier deux vêtements entre eux est permis, bien que cela s’apparente à la mélakha de Tofer, c’est le cas des boutons ; en effet il est autorisé de fermer une veste, une chemise etc. avec des boutons. Pourquoi ? Car la fonction du bouton prouve qu’il est prévu à cet effet, à savoir être ouvert et fermé, c’est pourquoi on ne considérera pas les deux parties du vêtement comme étant liées, mais seulement comme deux parties distinctes, retenus par des boutons. (voir Or’hot Chabbat tome 1 page 346 qui associe cet élément au fait de coller les couches).
Dans notre cas aussi, le post-it a pour fonction d’être déplacé à de nombreuses reprises, il est donc prévu à cet effet, nous pouvons penser que ce serait autorisé au même titre que le bouton.
Décoller le Post-it de son bloc
Jusqu’à présent nous nous sommes intéressés à l’utilisation du post-it lui-même en tant que marque page, et avons rapporté l’avis de nombreux décisionnaires permettant une tefira lezman (couture provisoire) .
La question qui se pose maintenant est de savoir si on peut, pendant le chabbat, décoller le post-it de son bloc.
Quel serait le probléme ?
Le fait de le décoller peut être un peu plus problématique, et pour cause, certains décisionnaires écrivent, dans des sujets similaires (comme le fait de décoller une couche pour la première fois, ou décoller le papier qui se trouve sur un pansement) que le collage préliminaire, réalisé en usine, est prévu pour une longue durée, le fait de le décoller pour une première fois poserait donc un véritable problème. (voir min’hat its’hak tome 5 siman 39 note 2/ chmirat chabbat kéhilkhétah ibid, Rav Eliachiv, Rabbi Falk dans ma’hazé éliahou siman 70)
Cependant certains décisionnaires permettent de le faire. En effet, ils estiment que bien que le collage soit effectué dans le but de durer un certain temps, malgré tout, son but ultime est d’être décollé au moment où on va l’utiliser, il a donc une fonction provisoire. (Or Letsion tome 2 chap. 36 ot 15, Rav O.Yossef dans yé’havé da’at tome 6 siman 24)
Cependant, Rav Ovadia Yossef (ibid) conclut qu’il reste préférable de décoller avant le chabbat.
En pratique
On évitera de décoller le Post-it de son bloc d’origine pendant chabbat, il devra être décollé avant chabbat.
Il sera permis durant Chabbat de déplacer des étiquettes adhésives servant de marque-page dans un livre, car elles sont justement conçues pour être collées et décollées de façon aisée et fréquente (chmirat chabbat kéhilkhétah chap.28 par 8). Il faudra avoir l’intention de le décoller (pour le replacer ailleurs ou le jeter) dans les 24 heures qui suivent. selon certains on pourra permettre si le post-it est décollé dans les 7 jours qui suivent.
Chabbat Chalom
I.Uzan